A moins d’un mille des côtes.
Première rencontre avec la terre. Comme la terre émerge des océans, l’homme naît au revers de l’horizon. Sans lui, la côte serait maigre, les ports seraient vides, les lieux déshonorés. D’assez loin encore, d’abord photographié puis filmé à la jumelle, scruté à l’œil nu, l’Homme apparaît. Est il un ou multiple ? Mort ou vif ? La langue coupée ou vraiment loquace ?
Premier pas. Se dessine la côte qui va suivre. Une région commence. On est arrivé sur le point, de l’autre coté, aux marges de l’immensité traversée. On ne doute pas de l’apparition insolite : Le port et ses escaliers, sa jetée, son café. Est-il encore une expérience à vivre juste aux abords ? Atteindre le point noté sur la carte. Un coup de crayon fixe !
Pourquoi atterrir ? Vouloir des preuves, relier les paysages, espérer des témoins. Etre finalement en mauvais terme avec l’infini. Sinon, il y a-t-il encore une vie sur terre ! ? Sur l’horizon géographique, il ne s’agit pas encore de contacts, une règle souligne la ville. Un chemin perd les eaux et le port est fermé. Lente cadence. L’évolution -insignifiante, présage la mort de l’homme. Personne. Juste des arbres, des toits, un amer. Faudrait-il reprendre la mer ! ? Subitement, d’une simplicité comme nul autre, confondu avec l’origine, il fait son entrée et donne l’heure qu’il est. Le voilà, juste. Nous sommes au commencement et il est déjà là.
Au point suivant, il reste à son endroit -imperturbable. Pourtant, il n’y a pas de racines à nos pieds ! Depuis le néolithique, l’homme possède le même corps. Si c’est un homme, il pêche. Il pleut. Une obsession et une seule : Gagner la terre. Obtenir le salut.
Il apparaît pour la première fois, sans sexe ni couleur, rassemblé, immobile, contenu dans l’étreinte de liens puissants. Un flux invisible. Il porte en lui l’immense et donne l’échelle au paysage. Points de vues multiples. L’Homme. L’homme ? Les figures sont exécutées dans un tableau vivant, les saisons et les jours sur un ciel de traîne.
Il vient à la présence, aperçu avant impression, a une respiration égale, partagée de l’inspire à l’expire, halé, millimètre par millimètre, non encore livré au rythme binaire, dessinant une ligne d’un point à un autre, la conscience tenue, se place, et se déplace, circule, appesanti. Tient !? Emerge une grandeur qui n’est pas lui mais dont il tient l’antenne. La loi de la pesanteur peut être ? Une routine. Il s’adapte à lui même. Il montre un prisonnier volontaire ne voulant en rien entrer dans ce qu’il est, cherchant à s’échapper sur le front du ciel. Ce n’est qu’une récréation. C’est pourquoi du mouvement à l’arrêt, l’immobilité fait demi tour. Est-ce le temps de l’agonie ou de renaître ? Tenu en laisse, le promené se distend. On ne sait pas bien faire la différence entre une vie de maître et la carrière d’un chien. Quelle humiliation de n’entrer pour rien dans ce que nous sommes. Le courant est contre, l’homme se convertit en Appelant. Courant pour, il est appelé sur terre. Attendre la renverse pour agir.
Aux antipodes de l’efficience, il va, il stoppe, tente de comprendre, mesure l’orientation, s’achemine vers la permanence. Il ne met pas longtemps à mettre au point sa destinée, s’élance dans un parcours délimité sur la ligne de crête, avant de disparaître. En mer, perdre son âme ou gagner la rive ? Le pas est décisif.
Le rassemblement est au point éminent du chemin, l’heure tourne à la force du poignet. Il va bouger. A t’il choisi d’aller au bout du monde ? C’est entendu. Il se décide, insouciant de l’eau, de la terre et des cieux, marche au plus loin. Subitement, il sacrifie une pose et s’installe tel qu’en lui même, col fermé, obéit aux ordres, s’en retourne. A-t’il vraiment fait le tour ?
Un jour d’élection. A moins d’un mille des cotes, de source certaine, On parie !? Il est en grand nombre et va élire le meilleur moment. Une passerelle s’érige contre les passades. L’accord est au rassemblement, midi sonné. L’expérience devient déjà un plébiscite. Simple souvenir naissant à inscrire au patrimoine. Photo ! Sans aucun mérite, par un verdict surnaturel, une volonté libre, il est choisi. La beauté est démocrate. Il suffit d’être là ; D’être né là ? Naturellement, se montrer digne de cette élévation.
Erreur de perspective ? Des connivences le suivent. Il s’agit d’un véritable défilé. Qui décide pour tous ? Il est accompagné -organisé. Il ne forme qu’un -cerveau. A été ? Combien sont-ils ? Des complices. Il complote. Les silhouettes vacillent. Un rythme régulier où le pluriel repasse au singulier. Il passe, il dépasse un autre et rectifie l’univers. C’est dimanche. Il n’a pas d’obligations. Dans l’uniforme, son type se distingue, sans dommage. La nuit tombe. La foule se disperse.
Il est de plomb et de surplomb, parfaitement campé, les jambes arquées, le geste appris –ne pas bouger pendant de longues minutes. Il a de grands yeux, puissant dès lors qu’il balaie l’univers. Il converge, la terre tourne, l’ordre de la nature est maîtrisé. Soudain, les oiseaux prennent leur envol. En l’espèce, la nature a la vue longue.
Il prend un risque très mesuré à aller au fond. Exploration du haut de la cale ; Il ferre à l’instant, se penche avec grâce pour deviner un monde. Impossible de voir le prédateur ou ses intentions. Est ce qu’il se voit dans un miroir lisse, irisé ? Est-il en contact avec les profondeurs ou juste en train de rejoindre une ombre, le reflet d’un nuage. Il s’incline, en surplomb du vivier, égal devant la mort et revient aussitôt adresser les mots à la surface des vivants. Que les pas viennent à la pensée, les pensées retournent au pas. Il se penche pour avancer. Il est grave, joignant le geste à la parole. Au final, la conversation mène le pas. Un goéland lance un cri.
Selon la fréquence du tempo dominical, il marche d’un pas lent. Il est à ses cotés. Soudain, il rompt, passe le premier et ne pilote plus que pour lui. La distance se creuse. Autre cas de figure : Il s’entend parfaitement. Il marche deux cent pas devant. Il mime. Autre cas de figure : Non las de converser, il fait tenir les pas ensembles. Il entame une manœuvre : Sortie -évitage puis entrée dans le port. Est-ce qu’il vogue en solitaire ? Autre cas de figure : Ne faire qu’un ou changer de forme au grand air. Il se partage en deux moitiés. Voilà, la pose prise ; Une respiration momentanée. Il est pour la première fois tout en dedans, tout en dehors. Un goût salé. Autre cas de figure : L’ascension d’un seul coup de main, d’une brassée, le petit est soulevé de terre en direction du ciel mais la loi de la gravité impose à l’embrassé un retour immédiat. La caravane repart. On a confirmation de l’heure.
Un geste suffit aussi pour entrer dans l’histoire. Nous sommes bien là, c’était bien ici. Le petit trotte avec d’autre. Le grand a les bras ballants. Soudain, il fait un effort inexplicable. Alors qu’il se tient coi, il exerce une formidable pression vers le haut. Montrer du doigt. Il soulève un lieu, une anecdote, toute une histoire, de faits avérés qu’il transpose et dirige d’une main de maître. Mais la brume arrive, à couper au couteau. Un coup d’épée dans l’eau. Toute initiative devient futile. Maintenant le rempart est balayé. Il disparaît avec les cheminées. C’est ainsi, la côte est rayée.
A première vue, il est toujours là. Que la brume de beau temps se dissipe et la distance le permette, le voici posté sur le rivage à distance égale. On ne sait pourquoi, il précède le monde. Il se nourrit d’iode, immobile, debout, nu parmi d’autres, il se tient placé au regard de l’horizon. Une obsession. Ou il s’expose en pleine lumière, ou il tient conciliabule sous de petites huttes. Au jeu de plage, c’est toujours le petit qui bouge le premier. Des trajets absurdes. Les cris annoncent qu’il vaut mieux laisser un pied de pilote. Des mouvements interrompus. Quand vient le cri, vient la palabre. L’échouage est proche. Les paroles surgiront avec les vagues. L’homme est un animal de conversation, marque la terre de son passage.
Il va bien quelque part mais ça n’a pas l’air d’être important. Silencieux, il est pris dans une habitude précise, se comporte avec exactitude, légèrement aplati par la distance sur le mur du fond. Virer avant d’échouer. Il va jusqu’au bout, revient, jamais débouté. Il ne pense pas sa marche. Il va un peu plus vite au retour. Il regarde enfin ses pas. Il rappelle une dernière fois, à la limite de la mer, avec un masque aussi grand que le corps. Ne plus se retourner. La figure de l’homme a disparu parce qu’aucune espèce n’a prévu sa disparition, excepté l’Homme.
Ça ne sent plus les égouts, ça sent la mer et les laminaires.
NI PLAGE NI DECHARGE
Ruines en roc, terrain vague, mauvaises herbes, crépidules et mollusques flasques de l’arrêté préfectoral, lichens caramélisés livrés par la dernière marée,
sont les attributs de la nature dans son résidu.
Bidons de gazole cru, tonneau percé, polystyrène expansé, doigts arrachés,
souvenirs délattés livrés par la dernière marée,
sont la lutte et la souffrance d’un peuple!
Mer douce, terre de sel, corps morts chassés,
savourer l’empreinte, le pied fuyant, le corps marrant, une chaîne sans fin, un danger isolé.
De carrières en cimetières, laissez pourrir nos épaves, macérer nos pensées!
En faisant le tombeau de leur berceau, les coques renferment à jamais,
ventre à terre, les miasmes et tous les restes.
Il faut maintenant revoir les temps.
La vie, enfin se conjugue au présent progressif.
LA GREVE EST NOTRE PATRIE
Allons plus loin, troubler l’histoire, à l’âge des pierres,
déconstruire nos digues, depuis la civilisation jusqu’à l’énigme des murs tombés.
les quais ont-ils basculés ?
l’abri du marin n’a plus de toit ? (Pourquoi)
les cales interrompues les hommes disparus ?
Anneaux squelettes, impossibles appontements, viviers du temps.
Où est le mouvement des hommes ?
Les navires désarmés tiennent à leurs amarres.
Deci delà, les gisantes, affranchies de la propriété,
sans aucune inscription au patrimoine de l’humanité, incarnent la vie, comme toujours.
Un pacte pour la paix !
Ici, résonance du cri, les oiseaux accompagnateurs
survolent les méandres de l’esprit. ici, répond l’écho lointain de l’humain, qui à sa juste place
présente l’insouciance.
C’est encore, au point limite d’en perdre la trace, guetter les pas camarades.
C’est encore, au point limite d’en perdre la trace,
l’être mâtiné d’un grand courant.
S’écrier, au comble : Le peuple, c’est moi.
Les présents signataires appellent à une mobilisation de l’âme
dans le respect de l’inouï.